Pétillon et Charlie Hebdo
Ce mois-ci, dans mon hommage mensuel aux disparus de Charlie Hebdo, je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vais effectuer un petit pas de côté pour inclure un dessinateur de presse (et bédéiste) qui vient de mourir le 30/09/2018 (des suites d'une longue maladie, comme on dit). J'avais noté il y a déjà des mois qu'il ne dessinait plus dans Le Canard Enchaîné, mais j'ignorais qu'il fût malade, et j'attendais avec impatience le prochain "Jack Palmer" (dasola avait chroniqué le dernier paru ici). Sur son lit d'hôpital, semble-t-il, il a pu feuilleter la biographie de Cabu que vient de rédiger Jean-Luc Porquet (journaliste au Canard), un ouvrage dont j'aurai probablement l'occasion de reparler.
A l'époque de l'attentat du 7 janvier 2015, Pétillon ne dessinait pas pour Charlie. Il envoyait, si j'ai bien compris, entre autres, 8 dessins chaque lundi soir au Canard Enchaîné (pour publication en noir et blanc), et illustrait aussi les Dossiers du Canard. Mais, comme d'autres confrères dessinateurs, il a dessiné dans quelques numéros juste postérieurs à l'attentat de janvier 2015. Je me suis plongé dans ma "série complète" de Charlie Hebdo post-attentat. Sauf erreur de ma part, un total de 7 dessins de Pétillon a été publié (en couleur, dans trois numéros), dont j'extrais ceux qui suivent (il avait, semble-t-il, liberté des thèmes sur lesquels dessiner).
n°1179 du 25/02/2015 p. 8 & 12.
n°1180 du 04/03/2015 p. 4 & 10.
Un an plus tard, quinze de ses dessins (en couleurs aussi) illustrent le Hors-série Dossiers du Canard Enchaîné sur la liberté d'expression paru en avril 2016, dont il faisait même la couverture.
Le Canard Enchaîné lui a rendu hommage dans son numéro paru mercredi 3 octobre 2018 (en couv' et en p.5)
Pétillon laisse une vingtaine de recueils de ses dessins de presse (j'en possède plusieurs) et quinze albums des aventures de Jack Palmer, son détective maladroit. Après L'Enquête corse paru en 2000, dont tout le monde parle aujourd'hui, René Pétillon avait aussi dessiné L'Affaire du voile, dévoilé en 2006 mais moins connu (?). Il ne me reste plus qu'à apporter l'un et l'autre à dasola (qui ne les a encore jamais lus!) pour qu'elle fasse une de ses prochaines chroniques sur l'un ou l'autre selon ses préférences...
Son trait va me manquer.
*** Je suis Charlie ***
Comment rater ses vacances - Tignous et Gros
Ce mois-ci, je [ta d loi du cine, "squatter" chez dasola] (re)mets à l'honneur un album contenant des dessins de Tignous, provocateur comme souvent.
Le dessinateur Gros écrit en préface de Comment rater ses vacances, paru en 2015 aux Editions du Chêne: "En 2014, Tignous et moi, dans Marianne (...) on a décidé de parler des vacances. Faut toujours qu'il y ait un truc qui cloche avec les vacances. On allait faire un guide pour que les gens sachent comment rater leurs vacances. ils nous remercieraient sûrement après. (...) Un an après, c'est de nouveau les vacances, mais y a plus Tignous. Faut toujours qu'il y ait un truc qui cloche avec les vacances."
La 4ème de couv' de ce recueil de dessins à deux "crayons" parle de "plus de 150 dessins". Pour ma part, je les ai pointés, et je n'en ai trouvé que 80 de Tignous (couverture comprise) et 63 de Gros (4e de couv' comprise): le compte n'y est pas?
Je vais d'abord présenter quelques "citations" des dessins de Tignous.
p.81 (tout est permis?) p.108 (le permis, vous dis-je...) p.60-61 (trois d'un seul coup d'oeil!) p.40 (celui-là, il me parle vraiment!) p.49 (accro...) p.31 (provoc... et toujours d'actualité en 2018...) p.25 (hé oui...)
Je passe maintenant à Pascal Gros, co-dessinateur, dont certains des dessins m'ont fait pleurer de rire. Je trouve que les phylactères de ses dessins expriment un humour décalé qui me fait un peu penser à du Gérard Mathieu. Collègue de Tignous à Marianne, Gros a contribué un temps à Charlie Hebdo après le massacre.
p.16 (le Français est chauvin?)
p.32-33 p.110 l'avion [3 fois...], y compris encore un dessin de Tignous!
p.67 (d'actualité toujours...) p.118 (toujours d'actualité?) p.42
(j'ai pas été capable de choisir entre les deux illustrations, même si j'en préfère une...)
Sur un registre plus grave, Chloé Verlhac écrit en ouverture du recueil: "Tignous aurait dédicacé ce livre à ses enfants. Parce qu'il n'aimait rien tant que les vacances avec ses enfants."
p.69 (allez, un dernier T. pour la route, avant de déconnecter)
Comme la sortie du livre date d'il y a déjà trois ans (réédité en 2016), je n'ai guère déniché trace de billets sur des blogs. Vous trouverez cependant 4 autres dessins sur le blog Baz'Art, et un joli billet signé Guillaume Doizy sur son portail Caricatures&caricatures.
Enfin, je profite de ce billet estival pour m'expliquer sur le fait que mes photos de citations ne montrent jamais les dessins aussi beaux qu'ils sont: c'est exprès! C'est pour pousser mes lecteurs à aller feuilleter l'ouvrage original...
*** Je suis Charlie ***
Vive les comédiens! - Cabu (le livre)
Je [ta d loi du cine, "squatter" chez dasola] me suis dépêché pour compléter mon hommage à Cabu du mois dernier (dans ma série en mémoire des tués de Charlie hebdo)...
Quelques semaines après notre sortie à la Comédie Française, dasola m'a offert le livre-catalogue de l'exposition Cabu (Vive les comédiens!), qui n'était pas encore paru lorsque nous étions allé voir à la librairie du théâtre.
L'ouvrage contient quelques textes sur les rapports qu'a entretenu Cabu avec le théâtre toute sa vie, mais rappelle aussi les figures et événements marquants des dernières décennies. Cerise sur le gâteau pour un gestionnaire de bases de données: j'y ai trouvé une liste "complète" des affiches théâtrales illustéres par Cabu (qui fleure le catalogue de la collection particulière d'un passionné). Mais j'en ai maintenant la certitude: nous n'avions pas vu tous les dessins exposés! En voici quelques-uns pour compléter les photos précédentes.
p. 93, un dessin datant de 1957 et des débuts de Cabu dans la presse nationale (Ici Paris). A l'époque, on ne parlait pas encore en France de "kawaii" (dessin "mignon", dans les manga)...
Dans les années 60, faute de photocopieuse, Cabu découpait des têtes particulièrement réussies pour les réutiliser dans d'autres compositions comme des "rustines" [terme que m'avait enseigné le 1er dessinateur que j'aie jamais interviewé, il y a une trentaine d'années]. Voici, entre autres exemples, Jean Piat,
Cabu pouvait semble-t-il avoir ses "têtes". Ici, Robert Lamoureux, bien reconnaissable dans trois dessins différents (pp. 59, 69, 61).
Le livre propose à plusieurs reprises d'intéressants parallèles entre les illustrations réalisées pour la critique théâtrale du Figaro pour telle ou telle pièce et la chronique / critique complète (dessin + texte) dans Hara-Kiri (pour le même spectacle) [personnellement, je n'ai jamais lu Hara-Kiri - j'étais trop jeune]. Ici, cela concerne une pièce nommée Les poissons rouges, ... (p.66).
Le choix de dessins de l'exposition et du livre ne montre pas grand-chose sur la religion (tandis que la critique sociale est largement présente - j'ai bien aimé le dessin sur le Festival d'Avignon p.99).
Imagine-t-on les Anglais lançant l'anathème pour crime de lèse-auteur national? (p.100)
Ci-après un document intéressant, un "Grand Duduche" inédit (?), ou en tout cas refusé, à l'époque, pour Pilote, par Goscinny (pourquoi?). p. 135.
Pas facile, la vie d'artiste / d'acteur? (p.140) [il m'a fallu regarder attentivement le croquis avant d'en savourer le sens].
Et pour finir, j'ai bien aimé ce dessin "de jeunesse" (13 ans?! Inédit?), p.130.
Le blog Marque pages en parle aussi.
Pour ma part, mon prochain article à venir pour juillet portera peut-être encore sur Cabu... avant de repasser les mois suivants sur d'autres auteurs assassinés aussi le 7 janvier 2015 - que je n'oublie pas non plus.
*** Je suis Charlie ***
Police partout - Charb
Mon billet-hommage de ce mois-ci me ramène loin en arrière dans le temps.
J'ai (ta d loi du cine, squatter chez dasola) rencontré Charb à une séance de dédicace à Sciences Po Paris (où était aussi présent Tignous), il y a près de vingt ans (51e journée dédicaces Sciences Po, le 5 décembre 1998). Je crois me souvenir que j'avais profité de l'occasion pour prendre rendez-vous et pouvoir passer à la Rédaction (alors rue de Turbigo), pour une histoire de t-shirt - mais c'est une autre histoire, qui n'a pas débouché sur grand-chose. Ils ne m'avaient pas dit non (à mon projet de tee-shirts avec des dessins "de presse") après notre rencontre, c'est juste moi qui n'ai pas donné suite à ce dossier, pour des raisons bien extérieures à Charlie Hebdo.
Toujours est-il que j'avais obtenu deux dédicaces (dont l'une est restée inédite), pour le journal étudiant dont je faisais partie à l'époque, dont l'une sur Police partout.
Ce recueil (Bichro, coll. Le cri du crayon, août 1998) contient uniquement des dessins en N&B, pas de numéro de page! Je n'ai pas trouvé d'article ou critique concernant cet album sur des blogs ou sites en 2018: c'est vrai que, 1998, c'est antédéluvien, pour la Toile... La dernière annonce au Journal Officiel concernant Bichro éditions (association loi 1901) remonte à l'an 2000. L'album doit être épuisé aujourd'hui, je suppose. En tout cas, il ne figure pas sur la page wikipedia concernant Charb.
44 dessins mettent en scène des forces de l'ordre, essentiellement dans les 20 premières pages de l'album après la page de titre "Police partout". Suivent une partie titrée "FN partout" (11 pages) puis une dernière "Béton partout" (15 pages). Trois doubles pages, plusieurs pages composées de plus d'une vignette...
La "provocation" qui m'avait frappé en tant qu'étudiant reste présente. Je vous laisse apprécier (dans le désordre) ma petite sélection.
du sociétal de l'air du temps... du culturel
du bienveillant de l'historique du citoyen
(Soupir...)
*** Je suis Charlie ***
Ni Dieu ni eux - Tignous
Ce mois-ci, dans la série des hommages que je (ta d loi du cine, squatter chez dasola) rédige aux tués de Charlie Hebdo, je vais présenter Ni Dieu ni eux, février 2017 [DL 01/2017], éditions du Chêne, 96 pages.
Il s'agit d'un recueil thématique de dessins de Tignous, cette fois encore un livre posthume. Voici un extrait du texte de Chloé Verlhac (la veuve de Tignous) en postface: "Nous sommes en 2017 mon amour et tu n'auras pas vu les attentats des 8 et 9 janvier 2015, du Bataclan, de Nice et du prêtre, les avions qui se crashent, la tuerie homophobe au Pulse, l'assassinat de Jo Cox, le Brexit, le courage du peuple Kurde, Alep, le désespoir des peuples qui fuient la guerre, le bronzage de Donald Trump... La liste est tellement longue que je vais m'arrêter là au risque que cela m'empêche d'aller plus loin. (...) Nous sommes en 2017 et tu nous manques. Mais tu es avec nous tout le temps. Tu sais comme cette histoire que tu nous racontais avec ton propre papa, qui n'était pas mort parce qu'il était là, dans ton coeur. (...) Nous sommes en 2017 et j'ai décidé qu'ils ne te feront pas taire. Et puis... qu'on allait continuer à rire. Parce que cela non plus ils ne nous l'enlèveront pas. En fait, on va se battre, Tignous. Avec nos armes: l'humour, l'amour, la tendresse, la lucidité et... tes dessins. "
Une centaine de "croquis" ont donc été regroupés pour cet album. Tout le monde en prend pour son grade (qui a dit, déjà, qu'on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui?): près de la moitié des dessins concernent, de près ou de loin, la religion catholique, une vingtaine la religion musulmane, cependant qu'une dizaine mettent sur le même plan (dans le même sac?) les trois grandes "religions du Livre". Sikhs, boudhistes, chrétiens orthodoxes ou protestants, sectes diverses ne sont pas totalement oubliés, mais évoqués à la marge. Une certaine place est faite aux déboires de la "laïcité à la française". Je dirais que, dans ce livre, c'est surtout la bêtise qui est livrée en pâture à nos regards de lecteurs éclairés. Au fond, le "eux" du titre, c'est qui? Des "maîtres" (à penser) qui prétendent avoir barre sur leurs ouailles?
Comme à mon habitude, voici une sélection subjective de dessins qui ont attiré mon attention (m'ont fait rire / réfléchir / ricaner / hocher la tête / soupirer [rayez les mentions inutiles]). Sans autre commentaire, mais si cela peut vous donner envie de voir l'ensemble par vous-même...
Pour finir, j'ai eu du mal à dénicher sur internet des articles (de blog) qui aillent plus loin que la reprise de la 4e de couv' ou du communiqué de presse officiel, et me rabats donc sur la presse en ligne. La rédaction de Vsd mettait l'accent sur les quelque 20 000 croquis qu'a laissés Tignous. Daniel Muraz a signé un bel article sur Le Courrier picard. De l'article paru dans Marianne (où Tignous travaillait par ailleurs), j'extraierais la phrase suivante: "[Toutes les religions. (...)] Il les conchiait avec une seule conviction: ce n'est pas celui qui croit qui est à condamner, mais celui qui oblige à croire." Enfin, pour donner un point de vue différent, je retiendrais une critique très... critique (mais loin d'être inintéressante) publiée en juin 2017 sur le blog collectif Zebra.
*** Je suis Charlie ***
Scoopette - Wolinski
Je repasse à Wolinski sous l'angle (arrondi) d'une de ses héroïnes féminines (pas seulement une silhouette). Après avoir évoqué des oeuvres "gentilles", je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) voulais revenir à un peu plus de truculence wolinskienne. Voici donc Scoopette, la nympho de l'info (Canal+ éditions, DL avril 1994).
Si j'ai bien compris, cet album reprend des dessins réalisés pour Canal Plus, dans le cadre de l'émission Nulle part ailleurs lors de la saison 1993-94 (?). Faute d'avoir regardé cela à l'époque, j'ignore quel est le volume publié par rapport à la production. En 2017, il semble qu'on ne puisse trouver sur la Toile d'images des dessins présentés lors de l'émission (en tout cas, je n'ai pu en trouver).
En couverture de cet album, la litanie des 10 prénoms évoque pour moi le charme suranné d'une chanson de Marie Laforêt (Boris, en dernier lieu...), empreinte du temps qui passe. En feuilletant les pages, les décomptes de fréquence d'apparition donnent: François 7 (Mitterrand 5 et/mais Bayrou 2!), Helmut [Kohl] et John [Major] zéro (publicité mensongère! - mais Wolinski aurait pu [me] répondre que c'était les prénoms des "anonymes" représentés par ailleurs...), Charles [Pasqua] 2, Edouard [Balladur] une douzaine, loin devant Jacques [Chirac] (5 - mais ce dernier a les honneurs - prémonitoires? - de la 4ème de couv'), Valéry [Giscard d'Estaing] 2, Bill [Clinton] 4, Boris [Eltsine] 5. Je suppose que mettre en avant Bernard [Tapie] (4 apparitions) aurait été malvenu, tandis que Georges (Marchais - 2 ou même l'auteur, une fois!) aurait été ambigu... L'ironie pouvait viser le personnage public concerné, ou une situation. Plus de 20 ans après, les politiciens concernés ont pour la plupart disparu du paysage politique actif... mais les situations peuvent perdurer.
Quel "gimmick" caractérise notre Scoopette? C'est évidemment un peu répétitif en terme de dialogue (question / réponse - qui s'adresse rarement à elle-même), tandis que les situations sont variées (dedans, dehors, en l'air, sur l'eau...). On remarquera que le Père Noël est seul (dans l'album) à l'appeler de son nom et à la tutoyer. Le reste du temps, Scoopette tend son micro phallique à tel ou tels interviewés (quand elle n'a pas les deux mains occupées). Notre intervieweuse de charme (soit voyeuse, soit actrice) se frotte à des hommes politiques politiques, des anonymes, des people, des sportifs, quelques missionnaires (dont 1 en apesanteur), masculins le plus souvent... On trouve de très rares interview en tête-à-tête avec des femmes (Simone Veil, sévère (x2!); Diana, sous les objectifs des photographes; Margaret Thatcher, des patineuses sur glace; une ménagère russe... ou la petite-fille de Mussolini - plus hard). Et en terme de zoophilie? Scoopette n'interroge pas de raton laveur (seulement Mickey!), mais quelques animaux: ours, flamand rose, kangourou... Ses principaux accessoires? le micro sus-évoqué, et un nagra - j'ai bien écrit nagra).
La publication remontant aussi à un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître (avant le "décollage" d'internet), on trouve très peu de critiques spécifique à Scoopette sur la Toile. Et plus de 20 ans avant le massacre de Charlie Hebdo, les seuls religieux mis en situations sont l'abbé Pierre et le pape.
Sans transition, voici encore quelques dessins picorés dans cet album sans numéro de pages.
Pour finir, j'ai aussi pioché quelques jolies journalistes préfigurant Scoopette, ou les réflexions sur le journalisme visibles ci-dessous, dans les albums Le programme de la droite (1986, Denoël), Bonne année (1987, Denoël) et Il n'y a plus d'hommes (1988, Flammarion). Le personnage même de Scoopette a été réutilisé dans quelques planches en couleur de Trop beau pour être vrai (1998, Albin Michel), montrant ses aventures phantasmées en tant que journaliste à L'Echo des savanes (je n'ai pas pris les planches avec Chirac lubrique ou Jospin soporifique). Bien entendu, je ne m'interdis nullement de revenir moi-même sur chacun de ces albums, ultérieurement.
*** Je suis Charlie ***
Petite anthologie du dessin politique - Honoré
J'avais déjà (ta d loi du cine, squatter chez dasola) rendu hommage au dessinateur Honoré dans un de mes billets précédents (le 25 janvier 2015), après son assassinat à Charlie Hebdo. Cette fois-ci, je me suis intéressé au recueil des dessins d'Honoré qu'a édité sa fille, sous le titre Petite anthologie du dessin politique (La Martinière, avril 2016, 288 pages). De coups d'oeils dans des dictionnaires, je retiens qu'une anthologie est un recueil de morceaux choisis (des vers, de la prose, de la musique: ici, donc, des dessins de presse).
Quelle logique, autre que subjective, a présidé au travail d'édition? J'aurais aimé en lisant le livre en apprendre davantage sur les modalités de choix, savoir si Honoré lui-même avait pré-sélectionné ses dessins préférés, ou si la sélection (par Hélène Honoré, par l'éditeur?) est intégralement posthume. J'ai constaté qu'Hélène Honoré avait répondu en avril 2016 à certaines questions que je me posais lors de son passage (12 minutes) sur le 14/16 de LCI pour présenter le livre (elle a voulu un livre qui puisse rester intemporel, avec les thématiques chères à son père, en choisissant de beaux dessins dont parfois l'élégance n'exclut pas la férocité...).
J'ai compté 201 (?) dessins (de juin 1995 au célèbre dessin envoyé quelques minutes avant sa mort - le dessin de couverture date, lui, de septembre 2009). Ces dessins sont essentiellement en noir et blanc, il n'y en a jamais plus d'un par page, mais beaucoup de pages de gauche sont blanches (72!), sans que j'aie trouvé la logique correspondante (mise en valeur du dessin unique de la double page? - j'espère qu'il ne s'agit pas de censure). Les années 1995 et 1996 ne comportent qu'un dessin chacune, 1997 en a deux, du mois de juin (double page). Il peut y avoir des "retours en arrière" (pour 1998, on a janvier, juin, avril-août, décembre; ou bien un dessin de décembre 2006 entre deux de mars 2007), et beaucoup de mois de production (plusieurs dessins chaque semaine dans Charlie?) non représentés, tout comme des mois dont plusieurs dessins ont été choisis (6 pour octobre 2008), surtout pour les périodes les plus récentes. Une double page contient un dessin de décembre 1999 et à droite un de mars 2000... Je suppose que le parti pris a vraiment été de faire se suffire à lui-même chaque dessin, plutôt que de le remettre dans le contexte de l'hebdomadaire. Je n'ai choisi aucun des 9 dessins comportant de la couleur (majoritairement du rouge).
Dans ma propre sélection (qui peut-être en dit autant sur moi que sur Honoré?), je cite seulement quelques dessins qui m'ont particulièrement "parlé":
des pastiches BD (Tintin, Milou, Pif...) ou références culturelles
quelque peu de provocation, de religion voire de politique...
Dans son texte introductif, Hélène Honoré parle du perfectionnisme artistique de son père, qui revenait sur ses dessins, même après publication, jusqu'à en être satisfait. Je me suis aperçu que j'avais déjà cité un dessin de l'album dans mon billet sur Je hais les petites phrases: la phrase au-dessus de la vignette est différente...
On peut aussi lire un article du vénérable Yves Frémion (critique et écrivain sur la BD) à l'occasion de la sortie de ce recueil. Je vous invite bien entendu à feuilleter la Petite anthologie... vous-même.
In fine, je voudrais revenir sur une anecdote dont parle Hélène Honoré ici: quelques jours après l'attentat de Charlie Hebdo, un tagueur a rendu hommage à Cabu, Wolinski, Tignous et Charb, en oubliant Honoré. Elle-même, ainsi que la dessinatrice Catherine et Sigolène Vinson, ont monté un véritable "commando" pour rajouter au pochoir le visage de son père près de ses pairs. Ci-dessous l'anecdote racontée par Catherine [Meurisse] dans son album La légèreté (Dargaud, 2016), qui narre comment elle "s'est retrouvée" après le massacre de ses amis.
*** Je suis Charlie ***
Je suis très tolérant - Charb
Le poids des mots, le choc de l'image: une provocation, bien charbienne (est-ce que cela se dit, est-ce comme cela qu'on dit? Ou faut-il utiliser "charbesque"?). Ce livre paru en 1996 (peut-être l'un de ses premiers albums, sauf erreur de ma part?), Je suis très tolérant!, je (ta d loi du cine, squatter chez dasola) me l'étais offert en 1998 (avant de rencontrer Charb lors d'une séance de dédicaces - je raconterai cela une autre fois).
Dans ce recueil de dessins, les "victimes" de "l'intolérance" du dessinateur sont (pêle-mêle): les fumeurs, les forces de l'ordre, les Corses, quelques politiques, des religieux, les vacanciers, sans oublier tous les braves concitoyens ou sommés de consommer que nous sommes... La violence est omniprésente - sur le papier (ah, la souffrance de la brave voiture défoncée à coup de masse par le garagiste retors...). Ca flingue, ça explose, ça cogne... Je suis loin d'avoir choisi les dessins les plus terrifiants pour illustrer mon propos. En metttant l'accent sur la violence symbolique ou l'antiphrase (le texte ou la légende), parmi cette diversité de dessins parus il y a plus de 20 ans, j'en extrais quelques-uns plus ou moins intemporels.
Le compteur à air, ça n’existe pas encore: patience, je suis sûr que ça viendra! J'ai juste pris quelques-uns des dessins en N&B ou en couleur; l'album comporte également des cases formant une histoire suivie ou des gags de répétition (plus ou moins une page?).
Est-ce qu'il y aurait déjà plus de 20 ans que le PS ne savait plus ou il devait siéger [Charb ne posait pas la question en ces termes, bien sûr]?
Voici deux dessins de saison...
... en attendant la rentrée... et l'automne qui, peut-être, sera chaud (ou chiant?).
En tout cas, en 1996, la liberté du dessinateur de presse ne posait pas question: même pour un dessin sur Chirac et son cerveau, dont on va dire (méchamment) que c’était prématuré, à ma connaissance, Charb n’a pas été inculpé d’outrage au Chef de l’Etat… Il est vrai que Chirac était déjà le "héros" de plusieurs albums de Cabu (j'en parlerai aussi, à l'occasion...). Pour terminer, je signalerai pour ceux qui l'ignorent que Charb rédigeait par ailleurs des "chroniques", dans Fluide glacial ou dans Charlie Hebdo (exemple de titre de rubrique: "Charb n'aime pas les gens"). Plusieurs recueils en ont été publiés, dont les Petit traité d'intolérance et Nouveau petit traité d'intolérance (Librio) que je finirai bien par chroniquer aussi un jour [chroniqués le 07/09/2018]. En attendant, continuez à découvrir (si pas déjà fait) les dessins de Charb, ils ne vieillissent pas... si je puis dire.
*** Je suis Charlie ***
Murs murs - Tignous
Encore un livre de Tignous (pour le second mois consécutif), me direz-vous? Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola] pense qu'on n'en parlera jamais assez. Je viens pour ma part tout juste de me procurer Murs murs, sous-titré "La vie plus forte que les barreaux" (Glénat, 2015, 119 pages).
Alors que la presse va bientôt commercer à nous parler de la montée en température estivale au sein des prisons françaises, avec surpopulation carcérale, absence de perspective pour les détenus (le temps de la grâce présidentielle du 14 juillet est loin!), et grogne des personnels pénitenciaires, ce peut être le moment de mettre à l'honneur cet ouvrage - posthume - de Tignous. Ce livre était encore en cours de mise en forme quand notre dessinateur a été assassiné avec ses collègues et amis de Charlie Hebdo. L'avant-propos de la compagne de Tignous et la préface de Christiane Taubira (alors Ministre de la justice) en contextualisent la réalisation.
Cabu, jadis, effectuait des "reportages dessinés" avec beaucoup de dessins et du texte. Aujourd'hui, dans Charlie Hebdo, Riss, Juin, Foolz, ... ont repris le flambeau. Le présent album de Tignous s'inscrit dans cette veine: du dessin illustratif, comme support aux phrases rapportées, et non du dessin de presse ou du dessin d'humour. Il est bâti autour de cinq "reportages dessinés - documentaires", concernant le centre pénitenciaire de Lannemezan, celui pour femmes de Rennes, l'établissement pénitenciaire pour mineurs de Porcheville, les maisons d'arrêt de Douai et de Fleury-Mérogis. On y voit des détenus, des "surveillants", des directeurs... (hommes ou femmes), qui s'expriment, plus ou moins librement... ainsi que leur cadre de vie tel que le dessinateur l'a capté.
Je ne vais "citer" qu'une dizaine de planches. En voici deux qui donnent juste un aperçu d'ambiance à Fleury Mérogis.
Mais surtout, pour ma part, dans cet album, ce qui m'a frappé, c'est le témoignage sur les jeunes en prison (et je ne parle pas des bébés qu'on laisse à leurs mères jusqu'à 18 mois, mais bien des mineurs incarcérés à l'EPM de Porcheville): c'est quelque peu désespérant à mon avis (impression d'un autre univers)... Je vous laisse vous faire votre propre opinion d'après les extraits ci-dessous.
A noter pour finir que, lorsque l'album est paru en novembre 2015, plusieurs blogs en ont parlé. Entre autres, vous pouvez lire les chroniques de Sabeli, Livrelibre, Bado, Jean-Luc Truc et même un blog "juridique", Sine lege.
Décidément, je ne serais sans doute pas capable de m'engager dans une association intervenant en prison, comme certains de mes proches avaient su le faire en leur temps. Tignous était vraiment bien plus courageux que moi!
*** Je suis Charlie ***
Le fric c'est capital - Tignous
Lorsque j'avais [ta d loi du cine, "squatteur" chez dasola] découvert Le fric c'est capital (ramené par dasola d'une librairie en province en février 2015, il me semble), j'avais été un peu frustré. En effet, il n'y a dans ce "pavé" aucun texte d'accompagnement ou de "contexte": ni préface, ni introduction, ni postface, ni texte en 4ème de couv' - que du dessin, que du dessin, que du dessin... Tignous s'exprimait avec ce qu'il savait faire le mieux. La première édition de ce recueil est parue en 2010 chez 12Bis, Maison dont quasiment tout le catalogue a été racheté par Glénat en 2013. Le tirage à ma disposition est daté de janvier 2015. Il s'agit du deuxième livre de Tignous que je chronique (après Pandas dans la brume), je viens de le reparcourir pour programmer le présent billet dans la suite de mes "hommages". Si je devais citer tous ceux des quelque 500 dessins qui ont particulièrement éveillé mon attention, il faudrait que je mette des photos d'une trentaine de pages (sachant qu'on compte 2 ou 3 dessins par page), je me suis limité à une douzaine (avec parfois un commentaire de mon cru).
Un clin d'oeil vers le "nouveau beauf' de Cabu?
Je pourrais dire que je trouve presque le dessin de Tignous "moëlleux", tout en courbes (là où celui d'un Charb apparaît plus "sec"). Mais les rondeurs du trait n'enlèvent rien à l'âpreté comme à l'alacrité du propos. Les dessins du livre sont regroupés en 4 thèmes: les riches (les patrons et la finance), les pauvres (la société et le travail). J'y ai donc choisi pour les citer ici seulement quelques-uns des dessins qui me paraissaient particulièrement éloquents ou en tout cas qui m'ont "parlé".
Roi du monde (roi du gaz de schiste?) ou bonnet d'âne?
Je n'ai pas trouvé tant de références que cela à ce livre sur internet, j'ai quand même pu dénicher de rares informations complémentaires. J'ai appris grâce à ToutenBD.com que les dessins avaient été publiés notamment dans Marianne, tandis qu'Auracan.com parle plus précisément d'une anthologie de près de 500 dessins de Marianne et Charlie Hebdo.
Dans un des rares blogs que j'ai identifié comme ayant publié un hommage à Tignous, Etsivoulisiez, j'ai retrouvé parmi les citations des recueils précédents (que je lirai bien un jour), Tas de riches et Tas de pauvres (Denooël, 1999 et 2000), un dessin colorié dont la version "au trait" (en noir et blanc) figure dans Le fric c'est capital.
Certains de ces dessins (datant de 2010 voire d'avant, rappelons-le!) sont tellement intemporels que, en 2017, il conservent une brûlante actualité... Je les ai gardés pour la bonne bouche.
C'est pas forcément la même usine...
C'est pas forcément à cause du même produit...
... C'est toujours le même PS (mais ça ne va pas forcément mieux chez LR, au FN, au FdG, ou demain à REM!).
Que puis-rajouter? Votre propre sélection serait peut-être différente. Un seul moyen de le savoir: faites l'effort de trouver et de feuilleter ce livre!
*** Je suis Charlie ***
Le journal des présidents - Cabu
Ce 7 mai 2017 au soir, nous aurons élu une 8ème Présidence à la tête de notre Vème République (un Président ou beaucoup plus hasardeusement une Présidente). Je me rappelle avoir repéré en décembre 2014, en solde chez une librairie rue du Faubourg Saint-Antoine, Ma Vème République (de Cabu), et ne pas me l'être acheté sur le moment. On pouvait penser, à l'époque, que les 3ème et 5ème Présidents de la Vème République décèderaient peut-être avant leur dessinateur, naturellement. Inutile de dire que, courant janvier 2015, le livre n'était plus en stock. Quatre des cinq dessinateurs assassinés dans les locaux de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 étaient eux-même plus âgés que la Vème République (pour l'un d'eux, de quelques mois seulement). Wolinski était né en 1934, Cabu en 1938, Honoré en 1941, Tignous en 1957 et Charb en 1967. Je [ta d loi du cine, squatter chez Dasola] cède évidemment à la facilité en choisissant de publier le présent billet billet aujourd'hui (toujours dans la série des "hommages" que je leur rends).
C'est Dasola qui a acheté, tout récemment, Le journal des présidents signé Cabu.
Comme nul ne l'ignore, Jean Cabut, né en janvier 1938, a vu son 1er dessin publié à 14 ans (via un concours), et on peut dire qu'il est passé "pro" à 16 ans avec ses dessins publiés dans des journaux. La 4ème de couv' mentionne qu'il était titulaire de la carte de presse n°21991. Si tous les dessins de cette publication sont bien évidemment de sa main (sur une période de plus de 60 années de vie professionnelle de dessinateur de presse), il est peu probable que cette compilation en ait été choisie par lui (à moins qu'il en ait eu personnellement l'idée - si c'est le cas, le lecteur n'en est pas informé). Le "Cabu" de ce livre (posthume) est devenu une marque déposée (comme précisé en 4ème de couverture).
Une petite recherche dans les bases de données de l'INPI (Institut national de la propriété industrielle) m'a permis de repérer deux dépôts successifs, l'un simplement du mot "Cabu" (N°4166821, le 21 mars 2015), l'autre de la signature elle-même (N°4220387, le 26 octobre de la même année). Je préciserai juste que les "marques" Tignous ou Wolinski n'ont pas été enregistrées. Quant aux nombreuses réponses pour Honoré ou à celle sur Charb, elles sont non-pertinentes.
J'ai regardé cette somme de dessins avec beaucoup d'intérêt, parfois un brin de nostalgie. J'étais loin de les connaître tous. Si j'ai dû voir passer dans Le Canard Enchaîné que je lis depuis plusieurs décennies chaque dessin qui y est paru, je ne me rappelais bien entendu pas tout. Quelques dessins ont déjà été repris dans les recueils brochés que Cabu publiait régulièrement, mais ce n'est pas forcément la majorité. Et il est à noter que le présent livre est en couleurs. Enfin, j'ai compté plus d'une vingtaine de mentions "croquis inédits." Sur les 175 pages, je me permets juste de "citer" la double page ci-dessous (si cela peut vous mettre en appétit de lire vous-même le reste).
Concernant le nombre de dessins par président, il n'est pas non plus directement proportionnel au nombre d'années de mandat pour chacun. Mais des anciens présidents, des présidents en exercice, ou de futurs présidents, pouvaient aussi cohabiter - dans la même vignette, ce qui fausse mes comptes... Allons-y: pour l'anecdote, Coty 1 et Auriol 3 (sous la IVème République, notre K-bu débutait!). De Gaulle 28 (pour 11 ans de Présidence), Pompidou 21 (pour un quinquennat involontaire), Giscard 37 (seul représentant du septennat unique sous la Vème), Mitterrand 91 (en 14 ans - j'ai compté seulement pour "1" la vignette où on le voit vieillir d'année en année, comme les autres cas de vignettes à figures multiples pour un même Président). Chirac bat (sauf erreur de ma part) les records avec 94 dessins (il a aussi été deux fois premier Ministre, deux fois candidat avant de l'emporter en 1995, et a eu, à l'heure où je rédige, des rapports avec deux de ses successeurs de son vivant). Sarkozy est représenté 76 fois pour un quinquennat (Cabu se doutait-il qu'il échouerait à recandidater?), et Hollande 54 fois (pour un peu plus de la moitié de son quinquennat à lui).
Pour en revenir au présent et à nos élections de cette année 2017, la 4ème de couverture de ce livre paru en mars 2017 a donné le quinté dans le désordre pour le 1er tour.
Cabu avait bien entendu eu l'occasion de croquer ces personnages politiques, comme je suppose des milliers d'autres de la Vème République. Ne serait-il pas intéressant de faire un corpus complet (une base de données...), avec le nombre de dessins pour chacun? Ou alors, il faudra attendre une thèse universitaire, le genre d'ouvrage visant à l'exhaustivité qu'on ne peut guère réaliser du vivant d'un artiste productif.
Alors que dire encore sur ce livre? Bien évidemment, je suis content de pouvoir regarder ensemble ces dessins réunis sur un même thème (et conscient qu'il peut y avoir un intérêt "patrimonial" à cet ouvrage). Mais, non moins évidemment, j'aurais de loin préféré (comme tout le monde sauf quelques malheureux décervelés) qu'il puisse encore, de longues années, nous faire partager avec humour ses réactions aux événements et fur et à mesure que ceux-ci se produisent...
J'aurais aimé en tout cas qu'il y ait dans ce beau volume une page bibliographique avec la liste de l'intégralité des livres parus du vivant de Cabu, même si certains sont (aujourd'hui, peut-être plus demain?) épuisés. J'avais apprécié la présence d'une telle page pour Wolinski dans Ca, c'est moi quand j'étais jeune (lettre ouverte à ma femme). Pour ma part, je n'étais pas encore revenu sur l'oeuvre cabuesque depuis mon 1er billet évoquant les albums que je possédais sur Le Grand Duduche. Mais peut-être trouverai-je un angle pour parler de tel ou tel autre titre dans les mois à venir? Les intégrales Mon Beauf (octobre 2014 chez Michel Lafon) ou Le Grand Duduche (1ère édition en novembre 2008 chez Vents d'Ouest), toutes deux parues du vivant de Cabu, m'intéresseraient certainement. [cf. billet du 07/07/2018]
*** Je suis Charlie ***
Maurice et Patapon - Charb
Maurice et Patapon ne sont pas deux gentils petits fripons. Dès les pages de garde (en noir et blanc), Charb annonce la couleur: il s'agit de personnages antipathiques (animaux "de compagnie" qui affichent leur insolence et leur "mépris" de l'humain): deux canailles! N'en déplaise à Luce Lapin (1), ce n'est pas le genre de compagnons qu'on aurait envie d'adopter pour un chez-soi paisible.
Le plus souvent, il s'agit de "bandes" (strip) de 3 dessins. Leur première publication remonte semble-t-il à 1998 dans Charlie Hebdo. J'avais (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) l'impression de les avoir aperçus ailleurs dans la presse (Libération?), mais ma mémoire doit certainement me tromper - en tout cas je n'en ai pas retrouvé trace.
Ces deux bestiaux (chat tigré et chien marron) n'aiment vraiment pas les humains, que ce soit ceux qui s'imagineraient leurs maîtres ou les autres. Ils vont jusqu'à les trucider (sur le papier - c'est toute la différence). Mais c'est pas parce qu'ils n'aiment pas les humains qu'ils adorent les (autres) bêtes. Il m'a quand même fallu choisir dans les dessins...
L'humour de Charb est ici encore très "crade" voire scatologique (provocateur): ces anthropomorphes bâfrent (y compris des choses immondes), régurgitent, pêtent, chient... Ils n'ont rien pour plaire, mais peuvent faire rigoler.
Leur univers? Cynisme et bons mots, causticité. Je reconnais que s'ils ne sont pas cons (voir ci-dessous quelques morceaux choisis de leurs philosophies), en tout cas ils osent tout (même se moquer des bobos).
Leur humour gras tourne parfois en dérision le sacré. Pour donner une approche plus intellectuelle au présent billet, je signalerai que Philippe Corcuff évoquait il y a des années déjà "la dérision à tonalité tragique de Maurice et Patapon de l'ami Charb" (2).
Dasola m'a interdit de sélectionner un dessin où ils se moquent d'A***h! Mais elle n'a rien dit pour la burka.
Pour le moment, je n'en ai encore lu que 4 (empruntés en bibliothèques). Mais ils restent dans mon colimateur (pour finir par les intégrer dans ma BDthèque).
C'étaient vraiment de sales bêtes. N'empêche... Qu'est-ce qu'on les regrette!
(1) Luce Lapin écrit des chroniques chaque semaine dans Charlie Hebdo sur les thèmes de l'adoption des animaux abandonnés et lance des appels à tous ceux qui voudraient adopter chiens ou chats. Elle milite vigoureusement contre la corrida et toutes formes de cruauté envers les animaux.
(2) Chronique dans Charlie Hebdo N°525 du 10 juillet 2002, reprise dans Mes années Charlie et après, Philippe Corcuff, Textuel, 2015 (18 dessins de Charb et 1 de Tignous).
*** Je suis Charlie ***
Ca, c'est moi quand j'étais jeune (lettre ouverte à ma femme) - Wolinski
L'an dernier (... début d'année 2015), j'ai (ta d loi du cine, squatter chez dasola) procrastiné un billet sur Wolinski (j'espère y revenir et le finaliser prochainement). Je ne savais pas trop par quel bout prendre ma quinzaine d'albums de dessins pour rendre hommage au doyen des assassinés. Je me rappelle que ma copine m'avait dit: "Wolinski, c'est les femmes! Il n'avait pas une héroïne?". Il y a quelques jours, ...
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... je suis tombé chez une de mes librairies de quartier sur Ca, c'est moi quand j'étais jeune, réédition 2016 (avec une préface de Maryse Wolinski) d'un livre de Georges paru en 1978 sous le titre Lettre ouverte à ma femme. J'en ai lu les 180 pages (dont 19 dessins - un par chapitre) en 2 heures.
En quatre pages sobres, Maryse Wolinski explique les circonstances de la rédaction de ce livre. Après 10 ans de vie commune, c'est une conversation de vacances (un déjeuner romantique pour le 5e anniversaire de leur mariage) au sujet du "machisme" légendaire de Georges qui a donné à ce dernier l'idée de rédiger cette "lettre ouverte...". Il y parle longuement de son enfance à Tunis durant la seconde guerre mondiale, de sa jeunesse dans les Hautes-Alpes, de la découverte (laborieuse) du "sexe opposé" [l'expression est de moi: les choses se passent sans doute plus simplement au XXIe siècle, mais j'ignore si on y a vraiment gagné!]... Dans près de la moitié des chapitres, Wolinski tutoie Maryse en justifiant le titre. Quelques dialogues (vrais ou arrangés?) sont même retranscrits.
J'ai (gestionnaire de bases de données, on ne se refait pas...) bien apprécié la bibliographie (8 pages en fin d'ouvrage, à jour, je suppose) des 94 livres parus du vivant de Wolinski. J'en possédais 14 l'an dernier. Je me donne quelques années pour tous les acquérir - et bien entendu les lire. Et les faire lire. J'espère avoir donné envie de découvrir celui-ci.
C'est quand même plus savoureux à lire qu'un livre de la pauvre (1) Elsa Cayat, pour lequel j'avais été attiré par le titre (Un homme + une femme = quoi?). J'ai fini par le terminer, j'en parlerai prochainement. [chroniqué finalement le 07/09/2016].
(1) feu mon père utilisait souvent cette locution familière quand il voulait dire que la personne en question était décédée. Pour mémoire, Elsa Cayat, chroniqueuse à Charlie hebdo, fait partie des personnes assassinées en janvier 2015.
*** Je suis Charlie ***
Je hais les petites phrases - Honoré
Ma commande passée le 8 janvier 2015 chez l'une de mes librairies de quartier du livre d'Honoré Je hais les petites phrases, Charlie Hebdo / Editions Les Echappés (2011, 112 pages) est arrivée en fin de semaine dernière.
Extrait de la 4ème de couv': "Des petites phrases, degré zéro de la pensée, en français approximatif, creuses ou vulgaires, à l'image de la vie politique des années Sarkozy: Je hais les petites phrases dresse une galerie de portraits pris sur le vif des meilleurs paroliers du quinquennat, où le dessin révèle les sous-entendus les plus inavouables."
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) ne prêtais certainement pas assez attention aux dessins carrés d'Honoré quand j'achetais Charlie Heddo, quelques rares fois par an (à l'occasion de voyages en train, en général), et je le regrette, ô combien, aujourd'hui.
Publié avant la fin de l'unique quinquennat de Nicolas S., cette sélection de dessins publiés dans l'hebdomadaire fait la part belle aux ministres ou personnalités de droite (le Président apparaît lui-même 11 fois, suivi par Mme Lagarde (10 occurrences), Fillon (6 dessins), Woerth (5 portraits), mais aussi Boutin ou Amara (4). S'y ajoute un peu de société civile (Laurence Parisot 3), mais aussi quelques religieux catholiques (le Pape, des évêques) ou des mises en situation de musulmans voire musulmanes... Méconnu, Honoré dessinait bien en véritable iconoclaste.
Je trouve que le style de dessin d'Honoré fait penser à de la linogravure: format du dessin carré ou rectangulaire, traits épais, décors géométriques en arrière-plan souvent composé de lignes droites. Comme on le remarque ci-dessus, les dessins sont en fait constitués de trois éléments: en haut, en rouge et entre guillemets, la "petite phrase" servant de prétexte à Honoré (avec toujours son auteur crédité). Le dessin lui-même, généralement statique. Et en queue, le venin (quelques mots faussement attribués au personnage, ou un commentaire de situation...). Les types de portraits sont variés: de face ou de profil, du plan italien au plan poitrine en passant par le plan taille. On peut aussi voir deux personnages qui échangent, ou bras-dessus-bras-dessous. Parfois est caricaturée une situation outrée: Lagarde sautillante, Bayrou en écorché ou Villepin râlant au croc. Anecdotiquement, sont représentés des animaux: nounours, trois (cul de) vaches, un magnifique canard mandarin polychrome. Les vignettes de ce livre sont le plus souvent en noir et blanc, très rares sont celles comportant un aplat monochrome, et seuls 3 dessins sont égayés de deux couleurs (j'ignore ce qu'il en était des parutions originales dans Charlie, ou si ces couleurs sont spécifiques au livre). On pourrait noter enfin que, à l'époque de parution, la gauche était à la portion congrue: peu visible, peu visée? Valls apparaissait dans 3 dessins peu flatteurs, Rocard 2 fois, DSK et Hollande 1 fois chacun... Je suppose que des ouvrages reprenant des dessins plus récents ne manqueront pas d'être publiés?
Pour l'anecdote, j'en profite pour signaler avoir demandé ces derniers temps, dans deux librairies différentes, pourquoi il n'y avait pas une table dédiée aux livres des six journalistes (dessinateurs ou chroniqueurs) assassinés, et avoir obtenu des réponses très similaires: "on s'est posé la question / j'y ai réfléchi; ça m'a / ça nous a mis mal à l'aise : ça aurait fait un peu... [le mot juste a un peu de mal à sortir: opportuniste? vautour? commercial]; on va laisser passer un peu de temps; si on nous en demande, on répond bien sûr; tous leurs titres ne sont pas actuellement disponibles".
En conclusion, un dernier dessin papillonnant d'Honoré, illustrant cette fois un autre livre (tout juste acheté), de Bernard Maris (Oncle Bernard), Petits principes de langue de bois économique, Bréal / Charlie Hebdo, 2008 (billet à venir) [chroniqué le 27/02/2016].
*** Je suis Charlie ***
Le grand Duduche... - Cabu
Ca y est, j'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) relu mes 5 volumes (acquis dans les années '90):
Le grand Duduche, Dargaud (T.1), 1984 (1ère éd. 1967)
Le grand Duduche "il lui faudrait une bonne guerre" (T.2), Dargaud, 1974 (1ère éd. 1972)
"Passe ton bac, après on verra!"(T.5), éditions du rond-point, 1980
Le grand Duduche: à bas la mode (T.7), Dargaud, 1981
Le grand Duduche et la fille du proviseur (T.8), Dargaud, 1982
Je n'ai pas dans ma BDthèque, à ce jour, L'ennemi intérieur (1ère éd. 1973, Le Square, rééd. Dargaud, 1982), ni Le grand Duduche en vacances (1ère éd. 1974, Le Square, rééd. Dargaud, 1980), ni Maraboud'ficelle (1ère éd. 1980, Dargaud). Je les aurais bien croisés un jour ou l'autre... Au gré des bouquinistes... J'étais pas pressé... Y avait aucune raison, aucune urgence...
Pour chacun des albums ci-dessous, j'ai essayé d'évoquer d'une phrase qui me soit propre celles des planches qui ont le plus attiré mon attention à ma relecture suivie.
Le grand Duduche (tome 1)
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Le grand Duduche au lycée éclaté. Le grand Duduche veut casser la figure à la concurrence. Le petit Duduche est ami des bêtes. Le grand Duduche conduit mal. Le grand Duduche est végétarien. Le grand Duduche hurle à l'oreille des vieux. Le grand Duduche rit de la guerre (14-18). Le grand Duduche aime Victor Hugo. Le grand Duduche fait le flic. Le grand Duduche rend sa copie en retard [je crois]. Le grand Duduche engraisse un porc (et l'animal en perd la tête). Le grand Duduche fait chanter au suicide. Le grand Duduche sauve un noyé. Le grand Duduche rêve à l'avenir. Le grand Duduche fait voir le loup. Le grand Duduche joue au beatnik. Le grand Duduche innocent est puni. Le grand Duduche enquête sur la jeunesse. Le grand Duduche prétend danser. Le grand Duduche passe par le cimetière: "bon sang, que c'est chouette de penser que les autres sont en cours...". Le grand Duduche passe au large de la boite à bac. Le grand Duduche s'apprête à partir en vacances. |
Le grand Duduche "Il lui faudrait une bonne guerre" (tome 2)
Le grand Duduche joue au chat. Le grand Duduche imite les CRS. Le grand Duduche fait l'éloge de la paresse, sauf... Le grand Duduche planche sur le stupre. Le grand Duduche examine le monde en mutation. Le grand Duduche participe au débat. Le grand Duduche est responsable (de la classe). Du balai pour le grand Duduche. Le grand Duduche veut construire un bunker (de survie). Le grand Duduche réforme l'enseignement. Le grand Duduche se met au vert. Le grand Duduche est à la porte. Le grand Duduche fan de Johnny. Le grand Duduche a tagué. Le grand Duduche compte la minute (de silence). Le grand Duduche illustre les relations profs-élèves. Le grand Duduche répète. Le grand Duduche attend les circulaires. Le grand Duduche met les pieds dans le plat (à gâteau). Le grand Duduche joue les chevaliers servants. Le grand Duduche cauchemarde. |
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"Passe ton bac, après on verra!" (tome 5)
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Préface (texte intégral - 11 lignes): "Cet ouvrage compte 64 pages sous une couverture illustrée en couleurs. Il comporte 436 dessins représentant au total 2006 personnages et animaux, dont 237 fois le Grand Duduche. Les originaux des dessins, des couleurs, des textes et de la maquette ont été conçus et réalisés à la main par Cabu. Il y a un scénario de Reiser et une préface de Delporte. |
Le grand Duduche: à bas la mode (tome 7)
Le grand Duduche voudrait éviter de macadamiser de bonnes terres. Le grand Duduche repasse une page rafraîchissante parue dans le T. 5. Le grand Duduche trouve que c'est dur d'être militant. Le grand Duduche manifeste au printemps confisqué. Le grand Duduche en a trop fumé. Le grand Duduche regarde passer le Tour de France. Le grand Duduche s'occupe d'handicapés. Le grand Duduche se fait sonder. Le grand Duduche veut vivre heureux, caché loin des projecteurs (c'est pas gagné). Le grand Duduche ne peut pas piffer le rock. le grand Duduche ne veut plus jouer les Ménie Grégoire. Le grand Duduche prêche la mauvaise nouvelle. Le grand Duduche a les bonnes combines pour se faire réformer. Le grand Duduche affronte le jugement dernier.
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Le grand Duduche et la fille du proviseur (tome 8)
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Le grand Duduche soutient la lingère du lycée. Le grand Duduche calcule la fille du proviseur. Le grand Duduche fête la victoire de la gauche. Le grand Duduche pose des problèmes au proviseur. Le grand Duduche boutonneux. Le grand Duduche avait peur d'être asocial. Le grand Duduche se convertit carrément en étudiant islamique. Le grand Duduche fait la foire. Le grand Duduche devient sectaire. Le grand Duduche en bagarre pour la politique. Le grand Duduche se heurte à "papa veut pas". Le grand Duduche rêve de SuperDuduche. Le grand Duduche ferme son entreprise. Le grand Duduche démontre que le 3e âge peut se rendre encore utile. Le grand Duduche prépare un journal de lycée. |
Depuis la parution de ces albums, on croise le grand Duduche pour un dessin par-ci-par-là, ou pour toute une bande, en général dans Le Canard enchaîné. Le plus souvent, lors de ses repas de famille, le grand Duduche (contestataire) se gausse de la partie "La manif pour tous" conservatrice de celle-ci...
Voici la dernière "bande" que j'ai relevée dans ma série (Le Canard Enchaîné n°4914 du 30/12/2014, p.7).
Le grand Duduche, c'était un peu Cabu.
Le personnage du grand Duduche est éternel.
*** Je suis Charlie ***